jeudi 17 mars 2011

Le pouvoir de la vision (article en plusieurs parties) - partie 1


Toutes les visions ont une signification d’un genre ou d’un autre. Ce pouvoir de vision est très important pour le yoga et ne doit pas être rejeté, bien qu’il ne soit pas d’importance primordiale : le plus important étant la transformation de la conscience. Tous les autres pouvoirs, tel ce pouvoir de vision, doivent être cultivés sans attachement, comme des parties du yoga et des aides sur le chemin.

Les visions ne viennent pas du plan spirituel, elles viennent des plans du physique subtil, du vital, du mental, du psychique ou des plans supérieurs au Mental. Ce qui vient du plan spirituel, ce sont les expériences du Divin, par exemple, l’expérience du Soi partout, du Divin en tous, etc.

C’est très bien d’avoir des visions et des expériences (surtout des expériences), mais on ne peut pas s’attendre à ce que chaque vision se traduise en un fait physique correspondant. Pour certaines visions, il en est ainsi, mais pas dans la majorité des cas. D’autres appartiennent tout entières au domaine supraphysique et sont l’indications de réalités, de possibilités ou de tendances qui y ont leur siège. Dans quelles mesure elles influenceront la vie, s’y réaliseront ou même auront un effet quelconque, dépend de la nature de la vision, du pouvoir qu’elle contient, parfois de la volonté ou du pouvoir formateur du voyant.

Les gens attachent du prix aux visions pour la raison suivante : elles sont l’une des clés (et non la seule) qui mettent le sâdhak (le chercheur) en rapport avec les autres mondes ou les mondes intérieurs et avec ce qu’ils contiennent, et ces régions sont d’une richesse immense, infiniment plus grande que le plan physique tel qu’il est à présent. On pénètre dans un moi plus vaste et plus libre, dans un monde plus vaste et plus souple ; les visions isolées ne font évidemment que permettre un contact et non ouvrir véritablement l’accès à ces mondes, mais le pouvoir de vision, accompagné du pouvoir d’autres sens subtils (ouie, toucher, etc.), à mesure qu’il s’élargit, permet d’y pénétrer. Ces facultés n’ont pas le même effet qu’une simple imagination (comme celle du poète ou de l’artiste, bien que celle-ci puisse avoir une certaine force), et si on les cultive à fond, elles apportent un développement continu de l’être, de la conscience, de sa richesse d’expériences et de son étendue.

Les gens accordent aussi de la valeur au pouvoir de vision pour une raison plus élevée : il peut apporter un premier contact avec le Divin dans ses formes et ses pouvoirs ; il peut ouvrir à une communion avec le Divin, à l’audition de la Voix qui guide, à la Présence autant qu’à l’image dans le cœur, à bien d’autres choses qui apportent à l’homme ce qu’il cherche à atteindre par la religion ou le yoga.

De plus, la vision est précieuse parce qu’elle est souvent une première clé d’accès aux plans intérieurs de son propre être et de sa conscience, par opposition aux mondes ou aux plans de la conscience cosmique. L’expérience yoguique commence souvent par une ouverture du «troisième œil» dans le front (centre de la vision entre les sourcils) ou par une sorte de déclenchement et d’extension de la vision subtile, qui peut sembler sans importance au début, mais annonce une expérience plus profonde. Même quand elle n’a pas ce caractère - car on peut accéder directement à l’expérience - elle peut apparaître plus tard comme une aide puissante à l’expérience ; elle peut être pleine d’indications qui mènent à la Connaissance de Soi, à la connaissance des choses ou à la connaissance des personnes : elle peut être vérifiée et mener à la prévision, à la prémonition et à d’autres ouvertures dont l’importance est moindre, mais qui sont très utiles à un yogi.

Bref, la vision est un instrument important, bien qu’elle ne soit pas absolument indispensable. Cependant comme je l’ai laissé entendre, il y a vision et vision, tout comme il y a rêve et rêve ! Il faut cultiver le discernement et le sens des valeurs et des choses, et savoir comprendre et utiliser ces pouvoirs.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 4

En illustration : Les Yeux Clos, huile sur toile marouflé sur carton, d'Odilon Redon, 1890 ; actuellement au Musée d'Orsay, Paris

mardi 15 mars 2011

Le pouvoir de la vision (article en plusieurs parties) - partie 2


Vision et hallucination ne sont pas la même chose. La vision intérieure est une porte qui s’ouvre sur les plans supérieurs de conscience au-delà du mental physique et qui permet à une vérité et à une expérience plus vastes de pénétrer dans le mental et d’agir sur lui. Cette porte n’est ni la seule, ni la plus importante, mais c’est une porte qui s’ouvre très aisément à un grand nombre de sâdhak, sinon à la plupart d’entre eux, et qui peut être une aide très puissante. Cette faculté apparaît moins facilement chez les intellectuels que chez ceux qui ont un vital puissant ou un caractère émotif ou imaginatif.

Il est vrai que le domaine de la vision, comme tout autre domaine d’activité du mental humain, est un monde mélangé, et qu’il ne contient pas seulement de la vérité, mais aussi beaucoup de demi-vérités et d’erreurs. Il est vrai aussi que pour ceux qui sont impétueux et irréfléchis, entrer dans ce monde peut susciter de la confusion, des inspirations trompeuses et des voies fausses, et qu’il est plus sûr d’être guidé par ceux qui savent et qui ont l’expérience spirituelle et psychique. On doit considérer ce domaine avec calme et discernement ; mais fermer les portes et rejeter ces expériences supraphysiques ou d’autres, c’est se limiter et arrêter le développement intérieur.

Tout ce qui se développe dans la sâdhanâ, pourvu que ce soit authentique, a sa place dans la totalité de l’expérience et de la connaissance. Une connaissance des mondes occultes, des forces et des phénomènes occultes a aussi sa place. Les visions et les voix ne sont qu’une petite partie de ce vaste domaine qu’est l’expérience occulte. Quant à leur utilité, pour celui qui a l’intelligence et la discrimination, les visions ont de multiples usages ; elles en ont très peu pour ceux qui n’ont pas de discrimination ou qui ne comprennent pas.

Si l’on cultive la faculté occulte, l’expérience et la connaissance occultes, elles peuvent être très utiles, et par conséquent pratiques. En tant que telles, elles font partie de l’ouverture de la conscience intérieure et aident aussi à l’ouvrir davantage, bien qu’à cette fin elles ne soient pas indispensables.

Les visions viennent de tous les plans, il y en a de toutes sortes et elles n’ont pas toutes la même valeur. Certaines ont une grande valeur et beaucoup d’importance ; d’autres sont un jeu du mental ou du vital et ne servent que leurs propres fins particulières ; d’autres encore sont des formations du plan mental et du plan vital, dont certaines peuvent contenir une vérité, alors que d’autres sont fausses et trompeuses, ou bien peuvent être une sorte d’esthétisme de ce plan. Elles peuvent avoir une importance considérable dans le développement de la première conscience yoguique, celle du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur, ou pour ouvrir à la compréhension occulte de l’univers.

Les visions authentiques peuvent aider au progrès spirituel ; j’entends par là celles qui nous montrent des réalités intérieures : on peut, par exemple, rencontrer Krishna, s’entretenir avec lui et entendre sa voix dans une vision intérieure « réelle », tout aussi réelle que n’importe quel événement du plan extérieur. En voir seulement son image n’est pas la même chose que le rencontrer en personne. Mais le portrait au mur n’est pas forcement sans utilité pour la vie spirituelle.

Tout ce que l’on peut dire, c’est que l’on ne doit pas trop s’attacher à ce don et à ce qu’il nous montre, mais il n’est pas non plus nécessaire de le dénigrer. Il a sa valeur, et son utilité spirituelle peut parfois se révéler considérable. Mais naturellement, ce n’est pas primordial, ce qui l’est c’est la réalisation, le contact, l’union avec le Divin, la bhakti, la transformation de la nature, etc.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 4

En illustration : l'escalier du Château de Maulnes, dans l'Yonne, photo de Mudita.

dimanche 13 mars 2011

Le pouvoir de la vision (article en plusieurs parties) - partie 3


Les lumières et les visions ne sont pas des hallucinations. Elles sont le signe d’une ouverture de la vision intérieure dont le centre est dans le front, entre les sourcils. Les lumières sont très souvent la première chose que l’on voit. Les lumières révèlent l’action ou le mouvement de forces subtiles qui appartiennent aux différents plans de l’être ; la couleur et la nuance de la lumière varient selon la nature de la force.

Le soleil est le symbole et le pouvoir de la Vérité intérieure ou supérieure ; le voir en méditation est un bon signe. La mer aussi est souvent symbolique, elle représente d’ordinaire la nature vitale, parfois l’étendue de la conscience en mouvement. Quand vous voyez un carré, c'est le symbole d'une création complète ; quand vous voyez un buffle se ruer vers vous sans vous atteindre et que vous avez l'impression d'avoir échappé à un grave danger, c'est une transcription. Quelque chose de réel s'est produit, que le mental a traduit par la charge sans effet du buffle; c'est une attaque d'une force hostile représentée par le buffle.

On doit laisser se développer l’ouverture de la vision, mais il n’est pas nécessaire d’accorder trop d’importance aux visions isolées, à moins qu’elles ne soient ou ne deviennent visiblement symboliques ou chargées de sens, ou encore qu’elles ne clarifient certains points dans la sâdhanâ.

Les visions subjectives peuvent être aussi réelles que la vue objective. La seule différence et que la seconde concerne des objets réels dans l’espace matériel, alors que les premières montrent des objets réels qui appartiennent à d’autres plans s’étendant vers le bas jusqu’au physique subtil. Même des visions symboliques sont réelles, dans la mesure où elles symbolisent des réalités. Les rêves eux-mêmes peuvent avoir une réalité dans le domaine subtil. Les visions ne sont irréelles que lorsqu’elles ne représentent rien de vrai dans le présent, le passé ou l’avenir.

Ce pouvoir de vision est parfois inné et habituel, même sans effort de développement. Il s’éveille parfois de lui-même et devient florissant, ou ne nécessite qu’un peu de pratique pour se développer ; il n’est pas forcement le signe d’une réalisation spirituelle, mais en général lorsque l’on commence, par la pratique du yoga, à aller au-dedans et à y vivre, le pouvoir de la vision subtile s’éveille plus ou moins. Mais cela ne se produit pas toujours facilement, surtout si on a été accoutumé à vivre plutôt dans l’intellect ou dans une conscience vitale extérieure.

Tout ce que l'on peut voir les yeux fermés, on peut aussi le voir les yeux ouverts. Il suffit que la vision intérieure s'étende à la conscience physique subtile pour que cela se produise.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 4