jeudi 17 juin 2010

Où placer sa conscience ?

La « Conscience » désigne quelque chose qui est partout essentiellement semblable, mais qui varie en état, en condition et en mode d'action.

En elle, à certains niveaux ou dans certaines conditions, les activités que nous appelons conscience peuvent exister, dans un état soit comprimé, soit inorganisé, soit organisé différemment ; alors que dans d'autres états, certaines autres activités peuvent se manifester qui, en nous, sont réprimées, inorganisées ou latentes, ou encore se manifestent moins parfaitement, sont moins intenses, moins étendues et moins puissantes que dans ces degrés supérieurs à notre limite mentale la plus haute.

Tout dépend du lieu où la conscience se place et se concentre.

Si la conscience se place ou se concentre dans l'ego, vous vous identifiez à l'ego ; si elle se place ou se concentre dans le mental, elle s'identifie au mental et à ses activités, et ainsi de suite.

Si la conscience exerce sa pression au dehors, on dit qu'elle vit dans l'être extérieur, qu'elle oublie son mental et son vital intérieurs comme son psychique le plus profond ; si elle va au-dedans, qu'elle y exerce une pression centralisatrice, alors elle se connaît comme l'être intérieur ou, plus profondément encore, comme l'être psychique ; si elle s'élève hors du corps jusqu'aux plans où le moi est naturellement conscient de son immensité et de sa liberté, elle se connaît comme le Moi et non le mental, la vie ou le corps.

Toute la différence provient du point où s'exerce cette pression de la conscience. C'est pourquoi il faut concentrer la conscience dans le coeur ou dans le mental afin d'aller au-dedans ou au-dessus : la position de la conscience détermine tout, fait qu'on est plutôt mental, vital, physique ou psychique, enchaîné ou libre, séparé dans le Pourousha ou involué dans la Prakriti.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 2

lundi 14 juin 2010

Le "Je" et la Conscience


La Conscience n'a pas besoin d'un "je" clair et individuel (Sri Aurobindo répond ici à une question d'un disciple) pour exercer de diverses façons sa pression centralisatrice : quel que soit le lieu où elle la place, le "je" s'y attache, de sorte qu'on se considère soi-même comme un être mental, un être physique ou n'importe quoi d'autre.

La Conscience peut s'organiser d'une manière ou d'une autre ; elle peut descendre dans le physique et y travailler sur la nature physique, gardant tout le reste à l'arrière-plan ou au-dessus pendant un certain temps; ou elle peut monter au-dessus de la tête et se tenir alors au-dessus du mental, de la vie et du corps, les voyant ainsi comme des formes instrumentales inférieures d'elle-même, ou ne les voyant pas du tout, plongée dans le Moi libre et indifférencié ; ou elle peut se jeter dans une conscience cosmique active et dynamique et s'y identifier, ou encore faire toutes sortes d'autres choses sans recourir à cette mouche du coche qui se mêle de tout, à laquelle on accorde beaucoup trop d'importance, et que vous appelez le "je" clair et individuel.

Le vrai "je" - si vous tenez à ce mot - n'est pas "clair et individuel", il n'est pas un ego séparé, nettement délimité, il est aussi vaste que l'univers et même plus vaste, il peut contenir l'univers en lui, mais ce n'est pas l'Ahamkâr, c'est l'Atman.

La Conscience est un élément fondamental, l'élément fondamental de l'existence - c'est l'énergie, l'impulsion, le mouvement de conscience qui crée l'univers et tout ce qu'il contient : non seulement le macrocosme, mais aussi le microcosme ne sont rien d'autre que de la conscience en train de s'organiser.

Par exemple, quand la Conscience dans son mouvement ou plutôt dans une certaine intensité de mouvement s'oublie dans l'action, elle devient une énergie apparemment "inconsciente" ; quand elle s'oublie dans la forme, elle devient l'électron, l'atome, l'objet matériel.

En réalité, c'est toujours la Conscience qui est à l'oeuvre dans l'énergie et détermine la forme et l'évolution de la forme. Quand elle veut se libérer de la Matière, lentement, par évolution, mais toujours dans la forme, elle émerge en vie, en animal, en homme, et elle peut continuer à évoluer en sortant plus encore de son involution et devenir quelque chose de plus qu'un homme. Si vous pouvez saisir cela, alors il ne devrait pas vous être très difficile de voir ensuite qu'elle peut se formuler subjectivement en conscience physique, vitale, mentale, psychique ; toutes sont présentes en l'homme, mais comme elles sont toutes mélangées dans la conscience extérieure et que leur état véritable reste à l'arrière-plan dans l'être intérieur, on ne peut devenir pleinement conscient de leur présence qu'en élargissant la limitation imposée à l'origine par la conscience, qui nous fait vivre dans notre être extérieur, en s'éveillant et en se centrant au-dedans sur l'être intérieur.

Comme la Conscience en nous, lorsqu'elle se concentre ou se place principalement à l'extérieur, doit renvoyer tout cela à l'arrière-plan, derrière un mur ou un voile, elle doit détruire le mur ou le voile et revenir se concentrer dans ces parties intérieures de l'existence - c'est ce que nous appelons vivre au-dedans ; alors notre être extérieur nous paraît petit et superficiel, nous sommes, ou pouvons devenir conscients du royaume intérieur, vaste, riche, inépuisable.

En même temps, la Conscience en nous a placé un couvercle, un écran, entre les plans inférieurs du mental, de la vie, du corps soutenus par le psychique, et les plans supérieurs qui contiennent les royaumes spirituels où le moi est toujours libre et sans limite, et elle peut briser ou ouvrir le couvercle, l'écran, monter dans ces plans supérieurs et devenir le Moi libre, vaste et lumineux, ou faire descendre l'influence, le reflet et finalement même la présence et le pouvoir de la Conscience supérieure dans la nature inférieure.

C'est donc cela la Conscience : elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout ; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle.

Evidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle "conscience", parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la Conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.

Extrait de Lettres sur le Yoga, tome 2