lundi 7 décembre 2009

L'action doit venir de l'intérieur


Toute cette insistance sur l’action est absurde si l’on n’a pas la lumière qu’il faut pour agir.

« Le yoga doit inclure la vie et non l’exclure », ne signifie pas que nous soyons forcés d’accepter la vie telle qu’elle est avec toute son ignorance maladroite et sa misère, ni la confusion obscure de la volonté et de la raison humaines, ni les impulsions et les instincts qu’elles expriment.

Les avocats de l’action s’imaginent que l’intellect et l’énergie humaine, en se précipitant toujours à nouveau, peuvent tout arranger. L’état actuel du monde, après le développement de l’intellect et une formidable dépense d’énergie sans parallèle dans l’histoire, est une preuve évidente de l’illusion creuse qui les fait œuvrer. Le yoga affirme que c’est seulement par un changement de conscience que la vraie base de la vie peut être découverte. Du dedans vers le dehors, telle est en vérité la loi.

Mais dedans ne signifie pas un quart de centimètres derrière la surface. Il faut aller tout au fond et trouver l’âme, le Moi, la Réalité divine au-dedans de nous, et c’est alors seulement que la vie peur devenir une expression vraie de ce que nous sommes, au lieu d’exprimer l’aveugle brouillage confus et toujours répété de cette chose inadéquate et imparfaite que nous fûmes.

Il s’agit de choisir entre rester dans le vieux méli-mélo et tâtonner çà et là dans l’espoir de tomber un jour sur quelque découverte, ou de se tenir en retrait et de chercher la Lumière intérieure jusqu’à ce que nous ayons découvert la divinité et que nous puissions la construire au-dedans de nous et au-dehors.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 1

dimanche 6 décembre 2009

L'art et le yoga


L’art, la poésie, la musique ne sont pas le yoga, ne sont pas plus en eux-mêmes des choses spirituelles que la philosophie ou la science.

Ici se dissimule une autre incapacité curieuse de l’intellect moderne – son impossibilité à établir la distinction entre le mental et l’esprit, sa promptitude à prendre les idéalismes mentaux, moraux et esthétiques pour de la spiritualité et leurs degrés inférieurs pour des valeurs spirituelles.

La simple vérité est que les intuitions mentales du métaphysicien ou du poète sont pour la plupart loin d’atteindre le niveau d’une expérience spirituelle concrète ; ce sont des éclairs lointains, des reflets indistincts, non des rayons issus du centre de la Lumière. Il n’en est pas moins vrai que, vues des cimes, il n’y a pas beaucoup de différence entre les hautes éminences mentales et les modestes ascensions de cette existence extérieure.

Toutes les énergies de la Lîla sont égales vues d’en haut, toutes sont des déguisements du Divin. Mais il faut ajouter que toutes peuvent devenir l’instrument d’un premier pas vers la réalisation du Divin.

Un jugement philosophique sur l’Atman est une formule mentale et non une connaissance, ni une expérience ; pourtant, le Divin le prend parfois comme chenal d’accès ; curieusement, une barrière du mental s’effondre, une vision naît, un changement profond s’opère dans une partie intérieure, dans le fond de la pénètre quelque chose de calme, d’égal, d’ineffable. On se tient sur une crête de montagne et on entrevoit, on sent mentalement une ampleur qui pénètre tout, une Immensité ineffable dans la Nature ; alors tout à coup vient le contact, une révélation, un flot, le mental se perd dans le spirituel, on éprouve la première invasion de l’Infini.

Ou vous êtes devant un temple de Kâli près d’une rivière sacrée et que voyez-vous ? Une sculpture, une gracieuse pièce d’architecture, mais mystérieusement un moment plus tard, inattendue, s’impose à la place une Présence, un Pouvoir, un Visage qui regarde le vôtre, et votre regard intérieur a contemplé la Mère du Monde.

Des contacts semblables peuvent venir par l’art, la musique, la poésie, à leur auteur ou à celui qui ressent le choc du mot, le sens caché d’une forme, le message d’un son qui porte plus de signification peut-être que le compositeur, consciemment, ne voulait y mettre.

Toutes choses dans la Lîlâ peuvent devenir des fenêtres qui s’ouvrent sur la Réalité cachée.

Pourtant, aussi longtemps que l’on se contente de regarder par les fenêtres, ce n’est qu’un premier gain ; un jour il faudra prendre le bâton du pèlerin et se mettre en route pour trouver la Réalité là où elle est toujours manifeste et présente. Il peut être encore moins satisfaisant spirituellement de demeurer dans les reflets indistincts, il devient impératif de chercher la Lumière qu’ils essaient de représenter.

Mais puisque cette Réalité et cette Lumière sont en nous-même tout autant que dans quelque haute région au-dessus du plan mortel, nous pouvons, en les cherchant, utiliser bien des formes et des activités de la vie ; comme on offre une fleur, une prière, une action au Divin, on peut offrir une forme de beauté que l’on crée, une chanson, un poème, une image, une phrase de musique, et gagner par là un contact, une réponse, ou une expérience.

Et quand on est entré dans cette conscience divine ou qu’elle croît à l’intérieur, alors le yoga n’exclut pas qu’on s’exprime dans la vie à travers tout cela ; ces activités créatrices peuvent encore avoir leur place, bien qu’intrinsèquement cette place ne puisse être plus grande que celle d’autres activités qui peuvent être mises au service du Divin, et utilisées par lui.

L’art, la poésie, la musique, dans leur fonctionnement ordinaire, créent des valeurs mentales et vitales, non des valeurs spirituelles ; mais elles peuvent être tournées vers un but plus élevé, et comme toutes les choses qui sont capables de relier notre conscience au Divin, elles sont transmuées, deviennent spirituelles et peuvent être admises comme faisant partie de la vie du yoga.

Toutes choses prennent une valeur nouvelle non par elles-mêmes, mais par la conscience qui les utilise ; car il est une seule chose essentielle, nécessaire, indispensable, c’est de devenir conscient de la Réalité divine et d’y vivre, et de la vivre toujours.

Extrait de Lettres sur le Yoga, Tome 1

jeudi 19 novembre 2009

La félicité du Brahman



Je suis devenu un océan blanc-d’écume de béatitude,
Je suis une vague onduleuse du délice de Dieu,
Un flux sans forme de lumière heureuse et passionnée,
Un tourbillon dans les rivières du Paradis.

Je suis une coupe pour Ses félicités,
Le coup de foudre de la puissance de son extase en or,
Un feu de joie au sommet de la création,
Je suis l’abîme merveilleux de son ivresse.

Je suis ivre de la gloire du Seigneur,
Je suis vaincu par la beauté du Non-né ;
J’ai regardé, vivant, la face de l’Eternel.
Mon mental fut pourfendu par Son épée irradiante,
Mon cœur déchiré par Son toucher de béatitude.

Ma vie est une poussière de météore de sa Grâce enflammée.

Poème de Sri Aurobindo, 29 Septembre 1939 / 21 Octobre 1939 ; re-traduction de Mudita.

En illustration : il y a environ 500 millions d’années, les deux galaxies NGC 4038 et 4039 ont commencé à entrer en collision. Elles forment aujourd’hui l’un des couples galactiques les plus connus : les Antennes. Pendant la collision, les étoiles passent les unes à côté des autres mais en raison de la gravité, des gigantesques forces ejectent des jets d’étoiles sur les côtés. Les nuages de gaz à l’intérieur de chaque galaxie sont également comprimées, donnant naissance à des milliers de nouveaux amas stellaires. Un tel scénario est à prévoir pour la Voie Lactée et Andromede dans plusieurs milliards d’années. Photo prise par Hubble en 2006.

lundi 16 novembre 2009

L'élément psychique au dedans



L’être mental au-dedans surveille, observe et juge tout ce qui se passe en nous.

Le psychique ne surveille pas et n’observe de la sorte, comme un témoin, mais il sent et il sait spontanément d’une manière beaucoup plus directe et plus lumineuse, par la pureté même de sa propre nature et par l’instinct divin qui est en lui, et ainsi, dès qu’il passe au premier plan, il révèle immédiatement les mouvements justes et les mouvements faux dans notre nature.

L’être humain est composé des éléments suivants : en arrière, le psychique, qui soutient tout ; puis le mental, le vital et le physique internes ; et à l’extérieur l’instrument par lequel ceux-ci s’expriment : la nature tout à fait externe du mental, de la vie et du corps. Mais au-dessus de tous ces éléments se tient l’être central (jîvâtman) qui les utilise tous pour se manifester ; c’est une parcelle du Moi divin ; or cette réalité de lui-même reste cachée à l’homme extérieur, qui remplace cette âme ou moi profond, par l’ego mental et vital.

Seuls ceux qui ont commencé à se connaître eux-mêmes, prennent conscience de leur véritable être central, et pourtant il est toujours là, présent derrière l’action du mental, de la vie et du corps, et c’est le psychique qui le représente le plus directement, car il est lui-même une étincelle du Divin.

C’est par la croissance de l’élément psychique dans notre propre nature que nous commençons à entrer consciemment en contact avec notre être central qui est au-dessus. Quand ce contact se produit et que l’être central fait usage d’une volonté consciente pour contrôler et organiser les mouvements de la nature, alors on possède une maîtrise de soi réelle, spirituelle, au lieu d’une maîtrise partielle, purement mentale ou morale.

Extrait de Lumières sur le Yoga

vendredi 13 novembre 2009

Le commencement de toutes les possibilités



Ce que je ne puis faire maintenant est le signe de ce que je ferai plus tard. Le sens de l’impossibilité est le commencement de toutes les possibilités. C’est parce que cet univers temporel était un paradoxe et une impossibilité que l’Eternel l’a créé de son Etre.

L’impossibilité est simplement une somme de possibilités plus grandes encore irréalisées. Elle voile une étape plus avancée, un voyage encore inaccompli.

Si tu veux que l’humanité progresse, jette bas toute idée préconçue. Ainsi frappée, la pensée s’éveille et devient créatrice. Sinon elle se fixe dans une répétition mécanique qu’elle confond avec son activé véritable.

Tourner sur son axe n’est pas le seul mouvement pour l’âme humaine. Il y a aussi la gravitation autour du Soleil d’une illumination inépuisable.

Prends d’abord conscience de toi-même au-dedans, puis pense et agis. Toute pensée vivante est un monde en préparation ; tout acte réel est une pensée manifestée. Le monde matériel existe parce qu’une Idée se mit à jouer dans la conscience divine.

La pensée n’est pas essentielle à l’existence, mais c’est un instrument pour devenir : je deviens ce que je vois en moi-même. Tout ce que la pensée me suggère, je puis le faire ; tout ce que la pensée révèle en moi, je puis le devenir. Telle devrait être l’inébranlable foi de l’homme en lui-même, car dieu habite en lui.

Notre tâche n’est pas de toujours répéter ce que l’homme a déjà fait, mais de parvenir à de nouvelles réalisations, à des maîtrises dont nous n’avons pas encore rêvé. Le temps, l’âme et le monde nous sont donnés comme champs d’action ; la vision, l’espoir, et l’imagination créatrice nous servent d’inspirateurs ; la volonté, la pensée et le labeur sont nos très efficaces instruments.

Qu’y a-t-il de nouveau que nous ayons à accomplir ?

L’Amour, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la haine et notre propre satisfaction ;

La Connaissance, car jusqu’à présent nous ne savons que faire erreur, percevoir et concevoir ;

La Félicité, car jusqu’à présent nous n’avons trouvé que le plaisir, la douleur et l’indifférence ;

Le Pouvoir, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la faiblesse, l’effort et une victoire toujours défaite ;

La Vie, car jusqu’à présent nous ne savons que naître grandir et mourir ;

L’Unité, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la guerre et l’association.

En un mot, la Divinité : nous refaire à l’image du divin.

Extrait de Pensées et Aphorismes

En illustration : l'image d'une Aurore créée par l’impact terrestre d’un nuage de particules magnétiques projetées par le soleil. Cela se passe régulièrement au-dessus de nos têtes et pourtant, nous n'y voyons rien... Photo prise à partir d’une station spatiale du programme Soho.

SOHO, l'Observatoire Solaire et Héliosphérique, est un programme de coopération internationale entre l’ESA et la NASA qui a pour objet l’étude du soleil - du coeur à la couronne extérieure, et des vents solaires. Lancée en 1995, la station SOHO a été construite en Europe par une équipe d’industriels sous l'autorité de l’ESA. D’importantes équipes d’ingénieurs et plus de 200 co-investigateurs issus de nombreuses institutions ont collaboré à la préparation, au développement des opérations et aux analyses des données. Responsable du lancement, la NASA est maintenant chargée des opérations de missions. Partout dans le monde, de grandes antennes radio (ou récepteurs) qui constituent le réseau Espace Lointain de la NASA sont utilisées pour assurer la réception de ces données et pour les commandes à distance. Le contrôle de la mission est basé au Centre de Vol Spatial Goddard dans le Maryland (USA).

mercredi 11 novembre 2009

Le but





Quand nous avons dépassé les savoirs, alors nous avons la Connaissance. La raison fut une aide ; la raison est l'entrave.

Quand nous avons dépassé les velléités, alors nous avons le Pouvoir. L'effort fut une aide ; l'effort est l'entrave.

Quand nous avons dépassé les jouissances, alors nous avons la Béatitude. Le désir fut une aide ; le désir est l'entrave.

Quand nous avons dépassé l'individualisation, alors nous sommes des Personnes réelles. L'ego fut une aide ; l'ego est l'entrave.

Quand nous dépasserons l'humanité, alors nous serons l'Homme. L'animal fut une aide ; l'animal est l'entrave.

Transforme ta raison en une intuition ordonnée ; que tout en toi soit lumière. Tel est ton but.

Transforme l'effort en un flot égal et souverain de force d'âme ; que tout en toi soit force consciente. Tel est ton but.

Transforme la jouissance en une extase égale et sans objet ; que tout en toi soit félicité. Tel est ton but.

Transforme l'individu divisé en la personnalité cosmique ; que tout en toi soit divin. Tel est ton but.

Extrait de Pensées et Aphorismes

mardi 10 novembre 2009

L'alternance des périodes sombres et brillantes




Je crois que les alternances de périodes sombres et brillantes sont l’expérience presque universelle des yogis et que les exceptions sont très rares.

Si l’on cherche les raisons de ce phénomène, tellement désagréable pour notre nature humaine impatiente, on en trouvera, je pense, deux principales.

La première est que la conscience humaine ne peut pas supporter une descente constante de Lumière, de Pouvoir ou d’Ananda, ou bien elle ne peut pas à la fois les recevoir et les absorber ; elle a besoin de périodes d’assimilation. Mais cette assimilation se poursuit derrière le voile de la conscience de surface ; l’expérience ou la réalisation qui sont descendues, se retirent derrière le voile et laissent en jachère la conscience extérieure, de surface, pour qu’elle se prépare à une nouvelle descente.

Aux stades plus mûrs du yoga, ces périodes sombres ou ternes deviennent plus courtes, moins, pénibles et elles sont aussi allégées par le sentiment d’une conscience plus grande qui, bien qu’elle n’agisse pas pour un progrès immédiat, demeure cependant et soutient la nature extérieure.

La seconde cause est une résistance, quelque chose dans la nature humaine qui n’a pas senti la descente antérieure, qui n’est pas prêt et peut être ne veut pas changer – souvent, une forte formation habituelle du mental ou du vital, ou bien une inertie momentanée de la conscience physique, mais pas exactement une partie de la nature – et ceci, ouvertement ou secrètement, fait surgir l’obstacle. Si l’on peut détecter en soi-même la cause, la reconnaître, voir son fonctionnement et appeler le Pouvoir qui la fera disparaître, les périodes d’obscurité peuvent être grandement raccourcies et leur acuité diminue.

Mais dans tous les cas, le Pouvoir divin poursuit son travail par derrière, et un jour, peut-être au moment où l’on s’y attend le moins, l’obstacle se brise, les nuages s’évanouissent et de nouveau la lumière et le soleil sont là.

La meilleure attitude dans ces circonstances, si l’on peut la prendre, est de ne pas de tourmenter, de ne pas se décourager, mais de persévérer tranquillement et de se garder ouvert, étalé à la Lumière, en attendant avec foi sa venue. J’ai constaté que cela raccourcissait la durée de l’épreuve.

Après, quand l’obstacle a disparu, on s’aperçoit qu’un grand progrès s’est accompli et que la conscience est bien plus capable qu’auparavant de recevoir et de retenir. Il y a une compensation à toutes les épreuves et les tribulations de la vie spirituelle.

Extrait de Les Bases du Yoga

dimanche 8 novembre 2009

Patience et sincérité




La présence d’imperfections, et même d’imperfections nombreuses et sérieuses, ne saurait être un empêchement permanent au progrès du yoga.

Je ne parle pas de retrouver l’ouverture antérieure, car, suivant mon expérience, ce qui vient après une période d’obstruction ou de lutte, est généralement une ouverture nouvelle et plus large, une conscience plus vaste et un progrès par rapport à ce que l’on avait gagné auparavant et qui pour un temps semblait perdu - mais ne l’était qu’en apparence.

Le seul empêchement qui puisse être permanent, mais qui ne l’est pas nécessairement, car cela aussi peut changer, c’est l’insincérité.

Si l’imperfection était un empêchement, nul homme ne pourrait réussir dans le yoga, car tous sont imparfaits, et je ne suis pas sûr d’après ce que j’ai vu, que ce ne soient pas ceux qui ont la plus grande capacité pour le yoga, qui n’aient aussi le plus souvent, ou n’aient eu, les plus grandes imperfections.

Vous connaissez, je suppose, le commentaire de Socrate sur sa propre nature. Beaucoup de grands yogi pourraient en dire autant de leur propre nature humaine initiale. Dans le yoga, la seule chose qui compte finalement, c’est la sincérité, et avec elle la patience de persister sur le chemin. Beaucoup, même sans cette patience, vont jusqu’au bout, car en dépit de la révolte, de l’impatience, de la dépression, du découragement, de la fatigue, de la perte temporaire de la foi, c’est une force plus grande que leur moi extérieur – la force de l’Esprit, l’élan du besoin de l’âme – qui les pousse à travers les nuages et les brouillards, vers le but devant eux.

Les imperfections peuvent être des pierres d’achoppement et faire faire de mauvaises chutes momentanées, mais elles ne peuvent pas être un empêchement permanent. Les obscurcissements qui viennent de quelque résistance de la nature peuvent être des excuses de retard plus sérieuses, mais eux non plus ne durent pas toujours.

Extrait de Les Bases du Yoga

samedi 7 novembre 2009

Ne pas s'appesantir sur les obstacles




C’est une grave erreur de trop s’appesantir sur la nature inférieure et ses obstacles.

C’est seulement le coté négatif de la sâdhanâ.

Il faut les voir et les purifier, mais s’en préoccuper comme la seule chose importante, n’apporte aucune aide. Le coté positif de l’expérience de la descente est ce qui importe le plus. Si l’on devait attendre que la nature inférieure soit entièrement et définitivement purifiée avant de solliciter la descente de l’expérience positive, on pourrait attendre à jamais.

Il est vrai que plus la nature inférieure est purifiée, plus la descente de la Nature supérieure est facile ; mais il est également vrai - sinon davantage - que plus la Nature supérieure descend, plus la nature inférieure est purifiée.

Ni la purification complète ni la manifestation parfaite et permanente ne peuvent se produire tout d’un coup ; c’est une affaire de temps et de progrès patient. L’une et l’autre, purification et manifestation, avancent de pair et deviennent de plus en plus fortes en s’aidant mutuellement. Tel est le cours habituel de la sâdhanâ.

Extrait de Lumières sur le Yoga

vendredi 6 novembre 2009

Chaque plan possède ses propres vérités




Si le supramental ne devait pas nous donner une vérité plus grande et plus complète qu’aucune de celles des plans inférieurs, cela ne vaudrait pas la peine de chercher à l’atteindre.

Chaque plan possède ses propres vérités.

Quelques-unes cessent d’être vraies sur un plan plus élevé ; le désir et l’ego, par exemple, sont des vérités de l’ignorance mentale, vitale et physique ; à ce niveau, un homme sans ego ni désir serait un automate tâmasique. Lorsque nous montons plus haut, l’ego et le désir n’apparaissent plus comme des vérités ; ce sont des mensonges qui défigurent la personne véritable et la volonté véritable.

La lutte entre les Puissances de Lumière et les Puissances des Ténèbres est un vérité ici-bas ; mais à mesure que nous nous élevons, elle perd sa vérité, et dans le Supramental, elle n’en a plus du tout. D’autres vérités subsistent, mais changent de caractère et d’importance, de place dans l’ensemble.

La différence ou le contraste entre le Personnel et l’Impersonnel est une vérité du Surmental (Overmind) ; dans le Supramental (Supermind), ces aspects n’ont pas de vérité séparée, ils sont un, inséparablement. Mais celui qui n’a pas maîtrisé ni vécu les vérités du Surmental ne peut pas atteindre à la vérité supramentale.

L’orgueil incompétent de l’intellect humain établit des distinctions tranchantes ; il veut s’élancer d’un seul bond vers la plus haute vérité, quelle qu’elle soit, et appeler tout le reste mensonge - mais c’est une erreur ambitieuse et arrogante. On doit gravir l’échelle en posant le pied fermement sur chaque échelon si l’on veut arriver au sommet.

Extrait de Lumières sur le Yoga

mercredi 4 novembre 2009

L'universel intime



Je contiens le monde entier dans l'embrassement de mon âme :
En moi brûlent Arcturus et Belphégor.
Vers toute forme vivante où je me tourne
J’y vois mon propre corps sous une autre figure.

Tous les yeux qui me regardent sont mes seuls yeux ;
Ce cœur qui bat dans toutes les poitrines est mien.
Le bonheur du monde coule en moi comme un vin,
Ses millions de chagrin sont mes agonies.

Pourtant tous ses actes ne sont que vagues qui passent
Au dessus de ma surface ; dedans pour toujours immobile.
Non né je suis, hors du temps, intangible :
Tout cela ne sont que des ombres sur mon miroir tranquille.

Ma vaste transcendance contient le tourbillon cosmique ;
Je suis scellé en lui telle une perle à la mer.

Poème de Sri Aurobindo, 15 Juillet 1938 ; re-traduction de Mudita.

En illustration, la galaxie Messier 74, photographiée par Hubble. Un prototype exemplaire de galaxie spirale "grand format", observé pratiquement de face depuis la Terre. Ses bras en spirale parfaitement symétriques se développent à partir du noyau central et sont constellés d'amas de jeunes étoiles bleues et de zones flamboyantes d'hydrogène ionisé. Ces pépinières d'étoiles présentent un excès de lumière dans l’ultraviolet. Des bandes sinueuses de poussières s’étirent depuis le noyau de la galaxie sur toute la longueur des bras. Cette galaxie se situe à environ 32 millions d'années-lumière dans la direction de la constellation des Poissons. C'est le membre dominant d'un petit groupe d’une demi-douzaine de galaxies. Elle héberge environ 100 milliards d'étoiles. Elle a été découverte par l'astronome français Pierre Méchain en 1780.

mardi 3 novembre 2009

Le premier pas












Le premier pas est d’avoir un mental tranquille.

Acquérir le silence est le pas suivant ; mais la tranquillité doit être là, d’abord.

Et par mental tranquille, j’entends une conscience mentale au-dedans qui voit les pensées venir à elle et se mouvoir, mais qui, elle-même, ne sent pas qu’elle pense, ne s’identifie pas avec les pensées et ne les appelle pas siennes. Des pensées et des mouvements peuvent traverser le mental, comme des voyageurs apparaissent, venus d’ailleurs, et passent à travers une contrée silencieuse ; le mental tranquille les observe, ou ne prend pas la peine de les observer, mais dans l’un comme dans l’autre cas, il ne devient pas actif et ne perd pas sa tranquillité.

Le silence est plus que la tranquillité. Il peut être acquis en bannissant du mental intérieur les pensées, en les gardant muettes ou complètement en dehors. Mais il s’établit plus facilement par une descente d’en haut : on le sent descendre, pénétrer et occuper, ou entourer la conscience personnelle, qui tend alors à s’immerger dans le vaste silence impersonnel.

Extrait de Les Bases du Yoga

Illustration : Mark Rothko, Peinture

dimanche 1 novembre 2009

La spiritualité


La spiritualité n’est pas une haute intellectualité ni un idéalisme, un penchant éthique du mental ou une pureté et une austérité morales ni une religiosité ou une ferveur émotive ardente et exaltée, ni même un composé de toutes ces excellentes choses.

Dans son essence, la spiritualité est l’éveil à la réalité intérieure de notre être, à l’esprit, au soi, à l’âme qui est autre que notre mental, notre vie, et notre corps ; c’est une aspiration intérieure pour connaître, sentir, être cela, pour entrer en contact avec la Réalité plus vaste qui dépasse l’univers et le pénètre, et qui demeure également en notre être ; c’est une aspiration pour entrer en communion avec cette Réalité et pour s’unir à elle, et, comme résultat de l’aspiration, du contact et de l’union, c’est un renversement, une conversion, une transformation de tout l’être, une croissance ou un éveil dans un nouveau devenir ou un nouvel être, un nouveau moi, une nouvelle nature.

Illustration : Descente du Supramental, détail, huile sur toile 1m x 1 m, de Catherine Mazarguil